L'utilisation de ballasts liquides ou humains sur des voiliers ne date pas de l'époque moderne de la régate.
Longtemps les propriétaires ont utilisé des sacs de sable (on nommait ces bateaux des "sandbaggers") afin d'améliorer l'aptitude à résister au chavirage et supporter une surface de voile souvent excessive.
On utlisait aussi, comme aujourd'hui, des équipiers assis au rappel sur le livet et il était de coutume de leur demander de sauter à l'eau lorsque le vent devenait portant (une chaloupe les récupérait...). Ainsi le propriétaire allégeait le bateau... Cette pratique, a été interdite au tout début du XXième siècle par les règles de régates !!!
En 1992, à l'initiative de Jean BERRET, lors des études du nouveau bateau destiné à Isabelle AUTISSIER (Participation au BOC Challenge), une quille pendulaire est implantée sur un monocoque de 18m.
Rapidement ce type de quille se developpe sur les voiliers IMOCA (Vendée-Globe). Ces équipements remplaçent des ballasts liquides de 4 ou 5 m3, et permettent ainsi d’augmenter le couple de redressement, Righting Moment, sans modifier (augmenter) le déplacement du voilier.
La technologie évoluant très vite, les systèmes mécaniques de quille pendulaire existent maintenant sur les catalogues de divers fabricants et cela pour des bateaux de 40’ à 150’.
Les Mini6.50 sont depuis longtemps équipés de tels systèmes, mais les organes de commande sont plus rudimentaires car les masses à mouvoir sont nettement moins importantes.
Ainsi aujourd’hui un grand nombre de voiliers, de 6.5m à 43 m, sont équipés de quille pendulaire.
Comme souvent dans les sports mécaniques, et la Voile est un sport mécanique, lorsqu'une innovation voit le jour, les concepteurs (dans ce cas les Architectes) recherchent les moyens les plus simples pour tirer partie de cette technique.
Le domaine de la sécurité est alors oublié ou alors passe au second plan.
La physique impose ses lois, utiliser une quille pendulaire (Canting Keel CK) ou un ballast augmente le moment de redressement, mais contre partie inévitable, l'angle de chavirage du bateau diminue. Ce qui signifie que sa stabiité s'est dégradée et que le risque de chavirage existe (Capsize).
Lorsque le bateau à chaviré, il a une deuxième position d'équilibre, mais avec le mat sous l'eau (en supposant qu'il n'a pas dématé).
Avant d’étudier l’influence des quilles pendulaires sur la stabilité générale du voilier, regardons comment évolue cette stabilité.
Rappelons aussi que jusqu’en 1996, le règlement ORC (régles internationales) demandait que les bateaux soient « self-righting », ce qui, pour tout le monde signifiait que lorsqu'un voilier était équipé d'une quille (lestée), il revenait toujours à sa position d'équilibre (gite 0°), seul des dériveurs sportifs "dessalaient".
Après quelques catastrophes (Vendée Globe 1996 notamment) dans les mers australes, la formulation de la stabilité requise fut écrite par le Special Regulation Committee et par la Classe IMOCA.
Ces critères deviendront de plus en plus drastiques au fil des années.
(Exemple de quille basculante (Canting Keel) d'IMOCA en cours de mesures photogrammatriques)
Analyse générale de la stabilité statique
- · Un bateau « moderne » avec une quille fixe n’est pas autoredressant, cela signifie que lorsqu’il est à l’envers (capsize), il reste dans cette position. Pour le remettre à l’endroit il faudra le faire gîter et atteindre l’angle de chavirage (Avs).
Suivant le type d’architecture du bateau, l’angle Avs à atteindre depuis le capsize sera de l’ordre de 115° à 170°, soit une gîte de 10° à 65°.
Dans ce genre de situation (capsize), seule l’énergie contenue dans les vagues peut provoquer cette gîte.
L'évaluation de l'énérgie nécessaire au retour à la position UPRIGHT est matérailisée par la partie hachurée de la courbe ci-dessus. Le point (c') de cette même courbe représente l'angle de chavirage (Avs) du bateau équipé d'une quille fixe. On remarque que cette courbe de stabilité démarre à 0° (position UPRIGHT du bateau, mat vertical). Le point (a') à la valeur 180° (Chavirage total, mat vertical, mais sous l'eau !!!)
L’énergie nécessaire pour remettre le bateau à l’endroit est donc proportionnelle à la surface sous la courbe de stabilité et dépend aussi de la pente de la tangente à cette courbe au point 180°. Plus la tangente est verticale plus le bateau sera stable à l’envers, donc plus il faudra d’énergie pour le redresser.
La différence (a’-c’) représente l’angle de gîte pour atteindre l’Avs (c’). La surface hachurée représente l’image de l’énergie qu’il faudra pour obtenir cette gîte.
- · Lorsque la quille pendulaire est inclinée d’un bord (ou des ballasts remplis), l’équilibre du bateau est modifié, il prend un angle de gîte qui correspond à sa position « Upright », mais le mat n'est plus vertical. Cette gîte a pour origine le décentrage du centre de gravité général du bateau.
Si ce bateau chavire (360°) dans cette configuration, sa stabilité générale peut être la suivante :
- · La courbe après l’angle Avs est tangente à l’axe de la gîte (courbe rouge) ou est en dessous de cet axe. Cela signifie que le bateau est systématiquement autoredressant.
OÙ
- · La courbe coupe d’axe de la gîte a et b par exemple, cela signifie que le bateau reste à l’envers et qu’il faudra atteindre l’angle b pour qu’il revienne à l’endroit. On remarquera que dans le cas de dissymétrie du centre de gravité du bateau, il est plus facile d’aller vers l’angle b que de « revenir » vers l’angle Avs (d’).
Dans le cas ci-dessus, le bateau chavire la quille basculée au vent. Cette configuration de la quille ayant pour but d’augmenter la stabilité initiale du bateau et ses performances. Mais un bateau peut chavirer dans la configuration « quille sous le vent », pour cela il faut lire la courbe dans l’autre sens.
On remarquera aussi :
- · Quille au vent : le moment de redressement augmente par rapport à celui correspondant à la position 0° de la quille, mais l’angle de gîte correspondant à ce moment de redressement diminue.
- · Quille sous le vent : c’est l’inverse.
Enfin on notera aussi qu’un bateau équipé d’une quille pendulaire n’est pas obligatoirement autoredressant.
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